Jijé représente sans doute pour les toutes dernières générations de bédéphiles une sorte de vague vénérable, antérieur même aux briscards eighties du neuvième art faisant office malgré eux de patriarches de la profession, tels Loisel ou Juillard. C’est dire si la volumineuse anthologie « Tout Jijé » – regroupant 19 volumes à vocation confidentielle – curieusement édités par une échoppe (très) grand public – vise un public d’aficionados plutôt restreint.

Même si l’entreprise s’adresse donc clairement aux lecteurs des illustrés d’antan – la nostalgie compensant les limites scénaristiques d’intrigues saucissonnées pour une publication presse – les profanes pourront toutefois y dénicher quelques pépites. Attardons-nous sur l’introduction tout d’abord : remarquable de rythme et d’érudition accessible, raisonnable, où Thierry Martens retrace avec enthousiasme les débuts de carrière de Joseph Gillain, dit Jijé. Outre l’adoption de ce pseudonyme basé sur la même astuce phonétique que celle d’Hergé – une transcription sonore de leurs initiales – le parallèle entre les deux auteurs est évident. La lecture dans ce volume de « La clef Hindoue », une aventure de Freddy Fred, « journaliste-détective » dont la dégaine rappelle clairement celle d’un de ses collègues du Petit vingtième en est une démonstration évidente. Certains gags, certains personnages secondaires, et la même ambiance colonialiste bon ton font qu’il ne manque que Milou pour achever le tableau.

Hergé s’était d’ailleurs plaint en son temps de ce plagiat un rien manifeste. Jijé y avait répondu de belle manière, par trois dessins, reproduits dans la préface, et représentant une bécassine qui dépouillée de quelques fioritures ressemblait bougrement à Tintin. Histoire de prouver que dans l’art comme ailleurs, rien ne se crée finalement.

Auteur : Jijé
Titre : Tout Jigé, t. 16 (1938-1940)
Editeur : Dupuis
Collection :
Année : 2002
Prix indicatif : 15,24 €

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