Avis sur la BD : Knights of the Dinner Table – Jolly R. Blackburn
L’originalité de la littérature dite classique, du cinéma… et de la bande dessinée consiste généralement à entraîner le lecteur en pleine immersion étrangère, à lui donner les clés d’univers cloisonnés ou corporatistes, franc-maçonnerie pour le «Triangle secret», monde de la finance pour les premiers Largo Winch, etc., etc. «Knights of the dinner table» (comprenez «Les chevaliers de la table du salon») se propose pour sa part de révéler au grand jour les pratiques d’une société microcosmique très particulière : celle du jeu de rôle.

Le moins que l’on puisse dire de «Knights of the dinner table» (KDT pour les intimes) c’est que les grands espaces aventureux sont en périphérie, l’action se déroulant en plan fixe autour d’une vaste table ponctuée de joueurs rolistes. Le graphisme, on s’en doute un brin, est d’une potacherie invraisemblable, l’auteur utilise sans vergogne une dizaine de cases photocopiées – des dessins réalisés au bic informatique dirait-on – où seuls les dialogues changent.. Et à la surprise générale… eh bien le concept finit par fonctionner au bout de quelques-unes des nombreuses historiettes de ce premier volume. Il faut dire que les personnages, toujours les mêmes, et le décor, inamovible, offrent un confort de lecture incroyable, une appropriation directe de l’environnement.

Le travers de l’entreprise aurait pu être de faire dans la débauche de vannes d’initiés, de jouer sur la corde sensible de la valorisation des rolistes souvent décriés, mais Jolly R. Blackburn, bien au contraire, campe des personnages hors du temps, hors de tout. Brian, Bob, Dave et Sara, autour du maître de jeu B.A. sont les archétypes des rats de salon qui ne vivent plus que par leurs personnages de papier, valeureux quand il s’agit d’en découdre avec Trolls et Dragons, veules et lâches lorsqu’il s’agit de résoudre entre eux de simples problèmes relationnels. L’auteur a en outre l’intelligence de faire dans l’excès, de projeter ses joueurs dans une caricature féroce. L’épisode où l’équipe, pour s’aérer, démarre une partie où les partenaires de table sont des paysans est un régal, où l’un fomente une rébellion avec les PNP (personnages non paysans) pendant que l’autre menace la récolte de radis de son voisin s’il ne lui rend pas son râteau D+5. Les amateurs apprécieront, aucun doute. Les profanes tiendront là une occasion privilégiée de découvrir un univers très particulier. Et d’en rire sous la houlette d’un spécialiste du genre. Pourvu que l’on ne soit pas regardant quant à la qualité du dessin.

Auteur : Jolly R. Blackburn
Titre : Knights of the Dinner Table (Les chevaliers de la table of the salon)
Editeur : Yeti entertainment, Les Humnaoïdes associés
Collection : Année : 2002

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