Chronique de Tout Jigé, t. 16 – Jijé
Il serait toutefois réducteur de cantonner Jijé à cette dimension de suiveur inspiré. Malgré un recours évident aux ficelles graphiques d’Hergé, le dessinateur qui s’illustrerait par la suite dans des productions aussi variées que Blondin et Cirage ou Jerry Spring, faisait déjà montre d’un dynamisme époustouflant, d’un art dans l’action et dans le mouvement. Il suffit pour s’en convaincre de lire une de ses productions ultérieures, «Trinet et Trinette dans l’Himalaya» où les aventures de deux enfants mais surtout de leur oncle, véritable précurseur de Jean Valhardi, prouvent de belle manière que Jijé savait déjà affirmer sa différence. Au-delà d’une intrigue très linéaire mais plutôt originale – avec de méchants bouddhistes trafiquants – Jijé oublie au bout d’une dizaine de planches la ligne claire pour s’essayer à quelques magnifiques compositions tibétaines, jouant sur les ombres des visages, sur la nudité des montagnes.

Le propos avait enthousiasmé visiblement l’auteur et cela transparaît dans cette production de jeunesse mais non dénuée de sel ni de vigueur.

Et comme ce volume a le bon goût de reproduire les planches de Spirou réalisées par Jijé en l’absence de Rob Vel ainsi que quelques magnifiques et polardeuses illustrations de roman noir, on s’initie du coup à une autre conception de la bande dessinée, moins léchée mais plus vivante, qui donne les clés du discours d’un Tardi ou d’un Caza, militant pour une bd «cheap» et populaire, accessible au plus grand nombre par une publication presse ou grâce à certaines initiatives novatrices telle celle de Librio, éditeur en poche de deux volumes d’Adèle Blansec. Rien à faire. « Tout Jijé » est une entreprise nécessaire, tout simplement.

Auteur : Jijé
Titre : Tout Jigé, t. 16 (1938-1940)
Editeur : Dupuis
Année : 2002

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