Il parlait des atrocités avec détachement et mettait surtout l’accent sur les anecdotes humaines et cocasses. Il me parlait de l’euphorie qui régnait là-bas lorsque le dictateur en place a été assassiné (déclencheur du génocide). Le pays était en crise, plus rien ne fonctionnait. Les rwandais exaltés en profitaient pour faire des tonnes d’interurbains à l’étranger – il n’y avait plus de facturation. On entrait dans de petits marchés et on se servait sans payer.
Bref, on se sentait libre de faire n’importe quoi! Les gens, me disait-il, ne semblaient pas (ou ne voulaient pas) voir ce qui se passait vraiment et agissaient comme les Québécois ont fait pendant le premier jour du verglas ou lorsque le Canadien avait gagné la dernière Coupe Stanley!
Le livre de Courtemanche m’a rappelé le témoignage de cet ami.J’ai adoré cette histoire fiction-historique. J’aime voir les choses de l’intérieur et sentir les émotions, la vie qui existe même en temps de massacre. J’ai souvent dû arrêter ma lecture et j’avoue avoir vu et revu plusieurs scènes d’horreur pendant mes journées à la maison avec mes filles. Le soir, je collais mes bébés et je ne cessais de me demander comment on pouvait en arriver à s’entretuer à si grande échelle, entre voisins et parents. Après la lecture de certains passages, je déposais mon livre pour une bonne journée et je méditais un peu sur les dernières lignes: je pense ici à la «pipe de la mort» ou à Cyprien qui faisait l’amour à sa femme agonisante, les seins charcutés.J’ai aussi beaucoup réfléchi à l’aspect misogyne du génocide. Encore plus après avoir lu la dernière page! Au fond de moi, il y a une fille révoltée, engagée et militante.
Ce livre l’a réveillée! Si j’ai une petite chose de bien à faire sur cette terre, je vais la réaliser!
Cela donne une bonne idée de mon émotion globale, non ?