Avis sur : L’étrange rendez-vous. Une aventure de Blake et Mortimer

Auteur : Ted Benoît et Jean Van Hamme
Titre : L’étrange rendez-vous. Une aventure de Blake et Mortimer
Editeur : Blake et Mortimer
Collection :
Année : 2001
Prix indicatif :

Je vous vois déjà (si, si), avachi sur votre sofa, en train de sursauter en lisant cette critique : Quoi ! Ils ont osé nous fourguer cette troisième (last but not the least) extrapolation du filon jacobsien post-mortem. Quelle arnaque ! Et puis d’abord, y’a même pas de SF dans cet « Etrange Rendez-Vous » ! Vous avez bien tort. Edgar P.Jacobs, disparu en 1987, n’a pas interdit, à la différence d’Hergé, que de brillants successeurs exploitent son oeuvre, à condition (faut pas pousser, tout de même !) d’en respecter les principes de base. Il est vrai nonobstant que les deux premiers essais, La Machination Voronov, L’Affaire Francis Blake, cassaient avec difficulté trois pattes à un canard. C’était sans compter, sept ans plus tard, sur Jean Van Hamme (auteur à succès de séries cultes comme XIII, Thorgal ou Largo Winch) qui signe ici un scénario conforme aux desiderata du Maître, et que ne dépareille point le dessin minutieux de Ted Benoît.

Histoire de bouleverser les repères, voilà les deux héros inséparables d’une des meilleures Bande dessinées, rendus aux U.S.A (une grande première pour nos gentlemen) où ils vont devoir affronter les malversations de l’«empereur jaune» Basam Damdu (rencontré dans le premier album de la série, Le Secret de l’Espadon) et de l’inévitable colonel Olrik, aspirant à conquérir le monde grâce à l’utilisation de l’arme atomique et à une invention venue du futur : le voyage dans le temps. On passe ainsi du VXXXIe siècle au XVIIIe siècle, de l’enlèvement par un ovni en 1777 de l’ancêtre de Mortimer, le major écossais Lachlan Macquarrie, à la découverte en 1954 dans le Colorado du corps de Macquarrie, bien conservé et nanti de matériaux n’existant pas encore. Trois mystérieux raies lumineuses sont au centre de toute l’affaire, ainsi qu’une ribambelle de «martiens» verts débarqués de l’an 0861 armés de lance-rayons paralysant le cerveau…

Les teintes sont pâlichonnes (excepté un rouge qui lasse tant il est sanguin), les berlines font «vraoum» sinon «vrooooom», les brigands se répandent en «malédiction !» et autres «sapristi !», quand ce n’est pas «bigre !» ; les bulles sont surchargées jusqu’à plus soif. Mais n’est-ce pas ça justement Jacobs ? Une intrigue de SF capable de mettre à chaque fois le lecteur aux prises avec le futur de l’humanité tout en convoquant des modes narratifs désuets fondés sur le répétitif et l’explicite ?

La seule chose qui fâche, c’est que Mortimer et Blake fument continuellement comme des pompiers – de quoi avoir sur le dos la ligue contre le cancer jusqu’à la fin de ses jours pour Van Hamme – y compris dans des situations où la chose paraît peu plausible. Mais ce serait une erreur, pour vouloir éviter cette fumée-là, de méconnaître le feu artistico-nostalgique initié dans cet «Etrange Rendez-vous». Que ceux qui n’en sont pas convaincus se rendorment illico sur leur canapé.

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